Pourquoi suis-je un monstre de jalousie ?
Je l'avoue, je suis une nana assez pénible. Dès qu'on me fait une crasse, ça crée en moi un nouveau défaut incurable. Pour ma jalousie, c'est comme ça que ça c'est passé. Avant, j'avais la jalousie d'une fille lambda, un poil élevée, mais dans la norme féminine.
A présent, je suis l'incarnation vivante de la possessivité. Je menace mentalement de mort toute fille adressant un regard ou une parole à mon petit-ami. Je hurle « je t'ai vu ! » dès que ses yeux se posent sur une autre, et je l'accuse de m'avoir trompée dès qu'il n'est pas sur MSN, qu'il est injoignable ou qu'il prétend une soirée entre amis. Récemment, pour des raisons professionnelles, il a dû faire une séance photo avec une modèle féminine littéralement bien foutue. Pour le besoin de son projet, il avait également besoin de photos dites « coquines ». J'ai écrit la moitié du projet, je l'ai soutenu, j'ai cherché des modèles, j'ai tout organisé pendant la séance, j'ai guidé la fille, je l'ai maquillée, j'ai été celle qui a permis qu'il n'oublie pas la moitié des photos nécessaires. J'ai adoré être utile. Je me fichais qu'il la voit nue sur le moment, j'étais juste obsédée par l'angoisse de ne rien oublier. J'ai eu de l'espoir, je me suis dit que je n'étais pas si jalouse que ça, en fait. A peine sortie de la séance, une grande vague de colère m'a envahie. Au départ, sans raison. Puis, je me suis vite rendue compte que cette rage était exclusivement dirigée contre mon petit-ami. Lui, croyant que mon calme et ma tolérance pendant la séance promettait un peu de liberté, s'est permis de dire qu'elle était vraiment belle, et qu'un mec sortant avec elle devait se rendre compte de sa chance. C'en était trop. Le manège intérieur s'est remis en route. Comment ça, elle est belle ? Moi, je me pète le cul à faire en sorte que ta séance ne devienne pas un pauvre échec, et tout ce qui en ressort c'est que la modèle est belle ? Et moi, alors, j'existe pas ? Je pue le gaz ? Quand j'ai dû descendre aller acheter un truc, vous aviez tout prévu hein, c'était pour être seuls ! Et pourquoi, moi, on ne se dit pas qu'on a de la chance de m'avoir ? Punaise, j'ai pas un ventre plat, mais j'ai des yeux verts qui écrasent littéralement les yeux caca de ta pauvre modèle, connard ! Tu vas pas te tripoter devant les photos de la séance, hein ? Comment ça, elle est belle ? Ainsi de suite. Je sais que pour les personnes « normales », cela peut paraître exagéré. Invivable. Mais voilà ce que j'endure au quotidien, et ce que je fais malheureusement endurer à mon fiancé.
Pourquoi suis-je devenue ainsi, ce pauvre tas de colère et de possessivité ? Pourquoi même un clignement d’œil devient suspect à mes yeux ?
Un jour, il m'a trahie. Avec une amie à moi. Pendant que j'étais chez moi, triste de mon 08/20 au bac de français, et que je le pensais avec des vieux amis à Paris. Arrivé avec quatre heures de retard le soir, je l'ai récupéré bourré et crevé. Lorsque j'ai su ce qu'il avait fait en réalité, quelques mois plus tard, mon monde et surtout ma fierté se sont écroulés comme un château de cartes au vent. Ils n'avaient pas couché ensemble, mais j'avais tout de même été prise pour une sacrée conne sans importance. Il s'est traîné à mes pieds, m'a écrit une lettre d'amour (l'équivalent d'un bout de Lune de sa part, étant donné son romantisme de base), a supporté pendant un an ma colère, mes piques, et mon incapacité à lui pardonner. Il souffrait de mon acharnement ; je le punissais, et ça me faisait du bien. Et puis, au bout d'un an, ça c'est tassé. J'ai un peu arrêté d'y penser. Et la colère a lentement fait place à une jalousie quotidienne, et bien sûr excessive.
Avant, j'étais jalouse. Mais ça, c'était avant. Maintenant, je suis une espionne, une comportementaliste, une femme bafouée qui pense avoir été trompée dès qu'il ne répond qu'à la troisième sonnerie. Je fouille tout, son ordinateur, son portable, son bureau. J'analyse chaque mot, chaque phrase, pour y trouver quelque chose qui cloche. Et je ne le fais pas par plaisir. J'essaie de me contenir, et il arrive que j'y parvienne. Mais si peu...
La jalousie n'est pas seulement un défaut, finalement... C'est également la source d'une énorme souffrance quotidienne, tant pour ceux dont elle émane que pour ceux vers qui elle est dirigée.
A quoi ressemble le quotidien d'une femme vraiment trop jalouse ?
Dès que je ne suis pas avec mon copain, je l'imagine coucher avec une fille. J'ai toujours cette image en tête. Parfois, sans raison, je le vois, dans ma tête, complètement nu sur son lit, avec une sale nunuche blonde qui le chevauche. Je m'imagine qui arrive dans la pièce, attrape un ciseau, force la fille à se casser le plus vite possible, et nue, parce qu'après tout elle kiffe être nue, surtout avec les copains des autres. Je la menace de lui planter ce foutu ciseau dans la poitrine si elle ne m'obéit pas. Parfois, lorsque je m'ennuie un peu trop, je rajoute un pan à l'histoire, dans lequel je l'attrape par les cheveux et la traîne dans les escaliers. Avant, évidemment, d'aller m'occuper de mon petit-ami en lui faisant croire que je suis sur le point de lui couper les testicules, histoire qu'il ait la plus belle peur de sa vie et qu'il n'oublie jamais la débilité de son acte. En gros, je suis une psychopathe, vous voyez. Bien que si cela arrivait vraiment, ma souffrance serait la même, mais ma réaction un poil moins dangereuse... Mais si je m'invente des histoires comme ça, c'est parce que cela me soulage de le punir intérieurement d'un truc qu'officiellement, il n'a pas fait, mais dont je le crois capable. Il n'a sans doute jamais couché avec personne d'autre que moi depuis que nous sommes ensemble, mais je ne peux m'empêcher d'y croire. C'est comme une idée gravée dans la pierre, impossible à effacer de mon esprit... et qui me fait terriblement souffrir, chaque jour. C'est ça, la maladie de la jalousie. Ça rend complètement barge, je m'en veux continuellement de ressentir ça, et de l'infliger à l'homme que j'aime.
Je m'en veux de le harceler pour qu'il me dise que je suis belle dès que je le vois regarder une autre femme. Je m'en veux de l'accuser de ne pas m'aimer et de vouloir aller faire l'amour à d'autres. Je m'en veux de ne jamais le croire quand il me raconte ce qu'il a fait de sa journée. Je m'en veux de n'avoir confiance en personne, alors que beaucoup de gens méritent qu'on leur fasse confiance. Je m'en veux d'être si virulente, et de blesser mon amoureux... Mon copain souffre de mon comportement. Il sait à quel point ça ne me fait pas du bien, et ça le peine. Il sait à quel point ça ne lui fait pas du bien non plus...
Quand je suis jalouse, je suis une véritable garce. Comme si j'étais bourrée, je me mets à prononcer des mots ignobles que je ne pense pas, à crier, à me poser en victime de choses qui ne sont jamais arrivées, à pleurer, à l'accuser de n'être qu'un insensible qui se fiche de me faire du mal. Je suis invivable.
Je pense avoir dépassé depuis longtemps le stade de la simple jalousie. Je sais que je devrais entamer un travail psychologique, prendre sur moi, faire des efforts... J'en fais déjà énormément. J'accepte finalement beaucoup de choses. La seule différence étant qu'avec une autre, il se ferait un peu disputer, alors que moi, je laisse faire, puis je hurle pour me venger. Je suis sans arrêt dans la vengeance. Peut-être que finalement, je n'ai pas assez oublié ce qu'il m'a fait.
La jalousie, ce n'est pas un truc de filles. Ce n'est pas « mignon ». Il faut savoir la gérer dès le début, l'anticiper. Parce qu'une fois qu'elle est là, et qu'on l'a laissé se propager, elle s'accroche. Comme une maladie. Comme une amie qui ne te lâche plus, qui est là, matin, midi et soir. Qui, sournoisement, te pourrit tes journées à t'implanter des images tellement douloureuses dans la tête. Qui te ligue contre la personne que tu aimes plus que tout. Qui réussit le pari de te faire un maximum de mal, et t'atteindre tes proches avec son foutu venin.
Je sais que ce trait de caractère n'est pas normal. Je sais que lorsque je regarde un homme, je l'oublie deux secondes plus tard et que ça ne veut rien dire. Alors pourquoi je n'arrive pas à savoir, que pour mon copain, c'est la même chose ? Pourquoi un simple regard adressé à une autre femme chamboule mon cœur ? Je suis pourtant ouverte d'esprit, j'arrive très facilement à me mettre à la place des autres... Mais j'ai laissé la jalousie s'infiltrer dans mes veines, dans mon esprit, dans mon corps tout entier, et dès qu'elle surgit, elle annule tout ce qu'il y a de bon en moi.
J'essaie chaque jour de la faire taire, même si pour le moment, ce n'est que de la dissimulation. Je souffre toujours autant, je ne supporte rien, mais je le cache, parfois. J'arrive à faire comme si de rien n'était. Rarement, mais c'est déjà ça...
J'espère du plus profond de moi, qu'un jour, je redeviendrais normale sur ce point. Je ferais tout pour. Hélas, je sais que cela prendra énormément de temps, et c'est bien pour ça qu'en attendant, je continue à compenser mes crises de jalousie en donnant tout l'amour du monde à mon homme. Pour lui faire comprendre que mes colères ne reflètent pas ce que je pense vraiment. Les insultes, les pleurs, j'ai l'impression de n'être plus moi-même, durant mes crises... Chaque fois que je suis calmée, je me demande comment j'ai pu agir de la sorte. Je tremble d'avoir été un monstre à peine quelques minutes auparavant.
Ne vous laissez jamais déborder par la jalousie ! Quand on lui ouvre trop grand la porte, cette petite vicieuse entre à toute vitesse, et ferme la porte à clé, pour vous empêcher de la foutre dehors. Elle vous lance des pièces, elle vous asservit, elle vous dirige.
Quelqu'un aurait un médicament contre la jalousie ? ;)